Kinshasa sous les eaux : une saison des pluies qui défie les calendriers climatiques
Par Franck Tag Lumwanga
Rédaction : +243818143137 | ACTU NGOLO TV
Alors que le mois de juin est traditionnellement marqué par un retour du soleil et une baisse significative des précipitations, les Kinois observent avec étonnement et inquiétude des pluies persistantes et un ciel toujours chargé en ce 14 juin. Un phénomène qui rompt avec les repères climatiques habituels et que les experts considèrent comme un nouveau signal d’alarme du changement climatique.

À Kinshasa, la grande saison des pluies s’étend normalement de septembre à novembre, suivie d’une plus petite, de février à mai. En principe, les fortes précipitations cessent début juin, ouvrant la voie à une longue saison sèche jusqu’en août. Mais cette année, les pluies s’obstinent, parfois sous forme d’orages violents, transformant les rues en torrents et saturant des sols déjà gorgés d’eau.
« On est habitué à quelques crachins en juin, mais pas à des pluies soutenues comme celles qu’on connaît encore aujourd’hui », témoigne Mama Léontine, commerçante à Matadi Kibala. « Les marchandises pourrissent, les routes sont impraticables, et on craint des inondations dans les quartiers bas. »
Un dérèglement climatique bien réel
Les climatologues pointent le réchauffement global comme principal responsable de cette perturbation. Plusieurs facteurs sont en cause :
Réchauffement des océans : La hausse des températures de surface de l’Atlantique (notamment dans le Golfe de Guinée) et de l’océan Indien augmente l’humidité atmosphérique, alimentant des pluies plus abondantes et plus durables.
Perturbation des courants atmosphériques : Le réchauffement déstabilise les grands courants comme la mousson africaine et les cellules de Hadley ou de Walker.
Déplacement de la ZCIT : La Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT), principale ceinture de pluies en Afrique centrale, pourrait s’être maintenue anormalement au nord, prolongeant les précipitations.
Atmosphère plus instable : Un air plus chaud favorise la formation de cumulonimbus (nuages d’orage) plus fréquents, même hors saison.
Des conséquences multiples et préoccupantes
Les effets de cette prolongation inhabituelle sont déjà visibles :
Inondations récurrentes : Des quartiers comme Kinsenso, Kingabwa ou Makala subissent des débordements fréquents, endommageant habitations et infrastructures.
Dégradation des routes : Les chaussées, déjà fragiles, se détériorent rapidement, rendant la circulation difficile et dangereuse.
Risque sanitaire accru : L’eau stagnante favorise les moustiques (paludisme) et la contamination de l’eau potable (choléra, diarrhées).
Perturbation économique : Les activités commerciales informelles, vitales pour les Kinois, sont fortement ralenties. L’agriculture périurbaine est également touchée (lessivage des sols, pourriture des cultures).
Inconfort généralisé : Humidité constante, déplacements pénibles, angoisse des inondations… le quotidien devient plus éprouvant pour de nombreuses familles.
« Ce que nous observons cette année n’est malheureusement pas une anomalie isolée, mais un signe clair de l’impact du changement climatique sur les régimes pluviométriques », affirme le Dr Alain Mubenga, climatologue à l’Université de Kinshasa. « Les modèles montrent que l’Afrique centrale connaîtra des saisons des pluies plus variables, parfois plus courtes mais intenses, ou plus longues avec des événements extrêmes. »

Une urgence pour Kinshasa
Face à cette nouvelle réalité, la mégapole congolaise doit rapidement s’adapter :
- Renforcement des infrastructures de drainage et d’assainissement ;
- Planification urbaine stricte, interdisant les constructions en zones inondables ;
- Systèmes d’alerte précoces en cas de crue ;
- Campagnes de sensibilisation sur les risques d’inondations et les gestes de prévention ;
- Intégration des données climatiques dans tous les projets urbains et de développement.
Alors que tombent encore les dernières gouttes d’une saison des pluies anormalement prolongée, elles rappellent avec force que le dérèglement climatique n’est plus une abstraction. Il est une réalité vécue, quotidienne, à laquelle Kinshasa doit désormais faire face — pour protéger ses habitants, ses infrastructures et son avenir.